Jardin secret poèmes de Paul Badin & gravures de Gérard Houver

Jardin secret

poèmes de Paul Badin & gravures de Gérard Houver

quelques lambeaux de jeu, des pleurs d’enfants, restent accrochés aux épines des groseilliers

ce qui bruit dans ces densités végétales, tout l’or du commun en habit de chaumière ; tu habites ce que tu traverses

grimpants sur le vieux puits, à pleins murs de tuffeau, royaux sur tige unique, rosiers, partout d’ici

taupe, écureuil, rouge gorge, fidèles visiteurs mais le statut diffère, c’est l’habit, la taille, la locomotion, l’espace d’évolution, le type de larcin

vivre c’est beaucoup la manière, tu es toi l’hospitalière

tomates cerises, grosses de Marmande, il suffit d’arroser, melon et potiron réclament d’autres soins

 

tout est terreau à l’échange des sèves, terroir il lève et préserve ce goût notoire

les êtres se nourrissent du lieu qu’ils infusent, ainsi ton don d’amour et démultiplication

buissons de thym, lavande, sauge, romarin, bouquets de ciboulette, persil, ombelles de fenouil… l’herbier du palais

 

il prodigue son temps, l’affermit, accrédite le végétal par cercles concentriques, maintient les fermoirs

sur les cycles secrets

le cœur, ta ligne sur les signes du temps

belle de Boskoop, reinette du Canada, beurré Hardy, doyenné du comice, un quart de siècle en savant compagnonnage

tu résistes là bas, ville soumise, chiffres, corrosion, lutte pour des bouts de gras

quel lait de paix contre ces griffes inciviles? partir, tes yeux sont dans ce vert

le peuplier démesuré entre deux murs, abattu puis le bouleau, trop bien inspiré

jardin petit dans la boucle de l’arpenteur, si grand de jeunesse, d’âges accomplis

clos sur son irrépressible vocation à contenir ces vies qui t’emplissent

choisya, hibiscus, forsythia, lilas, du blanc au bleu, des flots jaunes aux heures pourpres